Lihou

personnages

sculpture tactile
legende sumerienne

Peintures
Avarre

contact.
l'identité n'est pas à l'identique


     A partir de 1964 je dessinais et peignais diverses oeuvres fondées sur l'expression des rapports de forces dans l'espace-page, ce sont les "peintures énergétiques" qui vers1970 ont pris une forme graphique plus dialectique reposant sur l'utilisation de réseaux de flèches.
     La flèche est le signe graphique parfaitement adapté à ces besoins de contenu pictural. Elle est une forme instable puisque symétrique sur un seul de ses axes, sa répétition génère une surface isomorphique dynamique, signe de forces en équilibre géométrique et en déséquilibre optique.
     En 1977 le Centre Georges Pompidou qui voulait développer un atelier de recherches en création graphique à l'ordinateur dans lequel interviendraient des artistes plasticiens me contacte pour une collaboration.
     A cette glorieuse époque les ordinateurs n'étaient adaptés qu'aux calculs de dessins techniques. Les mondes de l'informatique et celui des plasticiens s'ignoraient. Les plasticiens qui en France s'intéressaient aux développements de ces nouvelles techniques étaient rares, nombreux au contraire étaient ceux qui affirmaient que ces deux mondes étaient irréductiblement étrangers...!
      Ce n'était pas mon cas, j'étais très curieux de découvrir cet univers nouveau et d'y expérimenter une recherche  prospective.
      L'initiateur de l'Atelier de Recherches et Techniques Avancées (ARTA) est Christian Cavadia, un informaticien et mathématicien qui voulait créer au Centre Georges Pompidou un centre de ressources en génie logiciel numérique adapté aux arts plastiques et graphiques. L'ARTA dépendait de la direction du CCI (Centre de Création Industrielle) à l'intérieur du Centre Georges Pompidou. L'ARTA disposait de peu de moyens techniques, Christian Cavadia était seul, sans secrétariat, et son action était contrecarrée par certains dirigeants du Centre ou chargés de mission du Ministère de la Culture hostiles à ce projet.
      C'est donc dans ce contexte que le directeur du CCI m'a proposé un contrat de deux ans pour réaliser une collection à partir de mes réseaux de flèches.
      Sur la base de mon expérience des réseaux de flèches que je traçais géométriquement Christian Cavadia a écrit un programme par lequel l'ordinateur calculait une trame définissant les flèches, puis cette trame pouvait être déformée en paramétrant des pôles "d'attraction" ensuite, cette trame déformée déterminait le dessin des flèches, enfin on les colorait avec des hachures.
Tout cela bien entendu réalisé avec les moyens disponibles, à savoir un ordinateur Tektronis de 128 ko, et un traceur dont il fallait programmer l'arrêt temporisé de la buse d'écriture à l'endroit précis où on désirait un changement de couleurs en remplaçant la tête d'encrage, qui était tout simplement un crayon feutre...
Le calcul d'une trame compléte prenait environ 2 à 3 heures selon la complexité, le traçage un peu moins, les hacures encore plus longtemps selon leur densité. Soit une matinée pour le tracé d'un réseau de flèches complet.
Equipé de ce logiciel j'ai donc expérimenté les fonctions de déformation pour explorer une iconographie de tensions de formes difficilement réalisables par les moyens manuels auxquels j'étais habitué.
      Ces manipulations, dont je consignais tous les résultats sur un cahier, m'ont conduit à découvrir un paradoxe pictural.
En effet, les calculs des hachures de remplissage se faisaient par la combinaison de fonctions trigonométriques dépendant des pentes des côtés des pointes et des pennes des flèches, parfois le segment de hachure devenait une droite infinie.
      Dans ce cas l'ordinateur semblait être bloqué sur cette droite qui apparaissait comme figée à l'écran alors que dans sa réalité mathématique elle était, à l'infini dans l'espace et le temps, entrain de se tracer.

      J'ai déduit de ces avatars mathématiques une méthode de conception graphique qui consistait à utiliser ces "fonctions aberrantes", ou " fonctions folles" telles que l'ordinateur puisse opérer ses calculs sans plantage et en même temps telles qu'elles soient inconcevables selon nos repères géométriques habituels. J'ai réuni ces créations dans un grand collage en forme de bouquet de fleurs mises en scène à la manière des natures mortes du XVI e siècle,temps du manièrisme. J'étais convaincu que l'informatique graphique entraînerait un "nouveau manièrisme", tant la programmation est un manièrisme en soi, dont il est difficile d'échapper.
      La signification de ce bouquet de "fonctions aberrantes" fut donc de dire que l'informatique ne changerait rien aux contenus des productions de notre société.
      Ce n'est pas ce qu'on attendait de moi comme position, mais j'avais parfaitement raison.
     Tous ces discours de faiseurs de miracles plaçant l'informatique au centre des bouleversements de notre société me paraissent encore aujourd'hui en 2017, 39 ans après ces créations, des discours creux qui occultent totalemnt les véritables enjeux et faussent les débats.

Création graphique à l'ordinateur.
Centre Georges Pompidou.
Atelier de Recherches et Techniques Avancées.


Jean-Pierre Lihou
En collaboration avec Christian Cavadia, informaticien.
1976 / 1978


jeune femme à sa fenêtre

Galerie de Jean-Pierre Lihou


regard
Heracles laque
sexe à sexe
trame base flèche
trame base flèches
Le calcul du tracé et les réseaux aberrants.
Bouquet de flèches
trame aberrante
déformation de trame
coloration trame
collage
trame couleurs
collage
Fonctionnement du programme.